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Conférence sur la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE)

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Énergie Durable (CSA)

28/03/2019

Quelle trajectoire énergétique pour la France dans la PPE ?

Lors de la publication de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), le débat public s’est focalisé sur le nombre de réacteurs nucléaires à maintenir ou le nouvel EPR, mais la PPE ne se limite pas à cela. C’est ce que Nicolas Goldberg (Supélec 08), consultant senior chez Colombus Consulting, a démontré pendant près d’une heure lors d’une conférence organisée le 5 février par CentraleSupélec Énergie durable.

La PPE, c’est tout d’abord le retour d’une planification de l’État sur un sujet éminemment politique, par ses effets sur l’aménagement du territoire, l’emploi, l’indépendance nationale, la compétitivité économique, la répartition des coûts entre consommateurs (industriels ou particuliers) et contribuables.

La PPE, ce sont donc des horizons d’actions sur deux périodes, 2019-2023 et 2024-2028, portant sur trois points : la sortie progressive de la dépendance aux énergies fossiles, le développement des énergies renouvelables les moins chères et le débat sur le nucléaire.

Se défaire du fossile

En France, le secteur électrique est déjà décarboné. La PPE va donc porter son action sur les secteurs des transports (30 % des émissions) et du bâtiment (20 %), et moins sur l’industrie (20 % également).

Sur les transports, il s’agit de développer l’usage des véhicules électriques (1,2 million à l’horizon 2023 et une multiplication par quatre du nombre de bornes de recharge) et d’orienter les transports lourds vers le gaz. La promotion des solutions alternatives comme le bus ou le train est en revanche absente de la PPE, alors que c’était un point fort du Grenelle de l’environnement.

Sur le bâtiment, décarboner le logement passe par l’isolation. Des aides sont prévues pour le parc neuf, mais ce dernier ne représente que 1 % du marché annuel : 70 % des logements de 2050 sont déjà construits. Il faudrait un vigoureux plan étatique pour lancer la filière. Ce n’est pas le cas dans l’actuelle PPE. Sur le mode de production de chaleur, la PPE prévoit la disparition des chaudières au fuel en 2028. Pour Nicolas Goldberg, l’État aurait pu le bannir un peu plus tôt.

Développer les énergies renouvelables les moins chères

Il s’agit d’un développement opportuniste, piloté sous l’angle de la maîtrise des coûts : ainsi la PPE favorise clairement les solutions matures : l’éolien terrestre et le solaire.

Pour l’éolien, le but est de passer de 7 200 mâts aujourd’hui à près de 15 000 en 2028, avec une augmentation de puissance unitaire des machines.

Pour le solaire PV, une multiplication par près de quatre de la capacité est prévue.

Pour Nicolas Goldberg, cela ne favorise pas vraiment une filière industrielle française.

L’intermittence reste gérable jusqu’à 30 % : ainsi un mix électrique « éolien + solaire » à 24 % en 2028 ne crée pas de risque sur le réseau (donc pas de besoin de stockage de grande ampleur).

La PPE n’a pas fait le pari de l’éolien offshore ni du biogaz, en raison de l’incertitude sur la baisse de leur prix de revient. Souvenons-nous des premiers appels d’offres offshore dont les tarifs de rachats étaient extrêmement élevés : au final, les champs ont mis presque dix ans à voir le jour ! L’État s’inscrit donc dans une stratégie d’attente de baisse des coûts de ces filières.

Le nucléaire et l’incohérente limite d’âge à 50 ans

Sur ce sujet, le débat est double : la durée d’exploitation du parc existant et la mise en œuvre du nouveau nucléaire.

Le parc existant est un atout français : les coûts sont amortis, le parc assure des emplois, le niveau de sûreté est élevé et l’ensemble n’émet pas de carbone. Mais, construit rapidement, il va être confronté à un effet falaise si l’on considère une date limite fixe d’exploitation.

Imaginons un schéma plus ambitieux que la PPE : la centrale de Fessenheim ferme d’ici 2029, puis deux réacteurs ferment chaque année, le parc est mené jusqu’à 55 ans avec quelques prolongations au-delà de 60 ans, une paire d’EPR est mise en place dès maintenant et trois à quatre paires sur la période 2030-2050… Pourtant, même ce scénario ne remplacera pas la production du parc existant. D’où le pari sur le développement massif des renouvelables.

En conclusion, Nicolas Goldberg rappelle que la PPE est un exercice très laborieux, mené dans un contexte politique compliqué par la promotion par l’Ademe de schémas purement renouvelables et le départ du ministre Nicolas Hulot. Il s’agit d’une politique incitative qui ne crée pas les conditions de développement de filières industrielles. Et sur le nucléaire, elle impose d’attendre le retour d’expérience économique de Flamanville et les perspectives du nouveau modèle d’EPR.

Arnaud Bellanger (90)

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